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Au delà des colonnes
9 mai 2005

Les larmes d'Hermes...

provensen

Provensen, circée, illustration pour l'Illiade et l'Odyssée.

Printemps 1229 avant l'ère de ceux qui me lirons...

Chère Circée,

Je ne sais plus où est ton île alors, depuis plusieurs mois je fais des libations à Hermes . Avant hier, je lui ai sacrifié un bélier. Ce fut un beau festin. Tous mes amis étaient là. Je me suis couché à l'heure où les étoiles s'enlacent aux ailes de Pégase, la tête posée sur la poitrine de ma compagne bien aimée.

J'ai fermé les yeux et j'ai entendu trois coups sur la porte en bois d'olivier. Trois coups de caducée, c'était Lui, le messager des dieux.

Je me suis levé comme dans un songe. Il est entré . La douce aimée dormait et ne le voyait pas. Il souriait, les ailes de ses sandales de cuir faisaient vibrer l'air de ma chambre à coucher. Un parfum aux fragrances de fruits sauvages et de vents marins accompagnaient ses déplacements. Il souriait, un peu moqueur mais affable, presque serviable et sa voix emplit mon âme comme un chant mystérieux aux accords de lyre.

"- Ulysse, nous voilà une fois de plus face à face. Sais tu que cette fois je ne t'ai pas apportéd'herbe magique !

Ce que tu sais te suffiras toujours ,maintenant.

- divin Messager, je t'appelle depuis des mois ...

- Je sais. Je suis venu pour te donner des nouvelles de l'Olympe . Ta Protectrice, Ô Sagesse, m' envoie te délivrer ce message. Mais...Prends place sur cette chaise. C'est le privilège des mortels d'être fatigué d'attendre."

Je prenais place sur la chaise où mon ancêtre déjà reposait ses vieux jours. Je regardais le Messager prendre la pose, allongé presque à la verticale, suspendu dans les airs de mon palais. Quand il se mit à parler de nouveau, la voix qui m'embrassait l'esprit était celle d'Athéna aux yeux pers.

" Ecoute, Ulysse, mon fils, mon homme, mon divin destin,ô, mon mortel soupir, j'ai vu le visage de mon parent, maître des eaux salées. Il est encore tordu par la rage de te punir.Je n'y peux rien, car la volonté de Poséidon est tenace et la Raison n'a pas raison de ses vagues de fureur. Sa colère s'est muée en Chimère , c'est elle qui chaque jour vient hanter tes rêves de départ. Contre les chimères divines, aucun dieux n'a le pouvoir de mort. Quand nous les créons, elles deviennent libres et font leur office jusqu'à l'épuisement de leur mission. Poséidon te pardonnerait-il que sa chimère te hanterait toujours ; mon brave Ulysse, te voilà dans un nouveau destin...

Pourtant, mon Ami, je peux t'aider. A défaut d'anéantir la chimère, tu peux la rendre docile. Monte dans le grenier , là où tu as caché le coffre de tes voyage et suis bien mes conseils:

Avec le cil du Cyclope, tisse la drisse de tes voiles, elle verront plus loin que l'oeil ne peut voir.

Avec la peau de l'outre d'Eole, fait un toit sur ton bateau. Il te protégera des vents mauvais.

Accroche la pointe de la corne d'une vache sacrée d'Apollon à la coque de ton navire, elle trouvera le soleil au milieu de la nuit.

Des écailles argentées des sirènes fait une mosaïque en forme de poisson. Elles te diront le chant doux de la mer même au coeur des passions de leur maître.

Il te faudra aussi suspendre la conque marine que t'offrit Calypso tout en haut de ton mat. Elle pleure quand tu t'éloignes d'une terre et vibre quand tu t'en approches.

Garde deux pétales de fleurs de lotus .Tu en auras besoins pour endormir tes douleurs ou hypnotiser tes ennemis.

Taille enfin un poignard effilé dans l'ivoire arraché à la dent de Charibe. Cette arme sera plus dure que les bronzes inconnus des Dieux de l'Autre Mer.

- Et de Circée, que dois-je utiliser? "

Le Messager se mit à rire et ce rire résonna dans ma chambre en écho de fleuve tumultueux. Je jetais un regard vers le lit. Mais le Messager ne parle jamais qu'à celui qui sait l'entendre : Le lit respirait le souffle paisible de la femme allongée sur les draps.

L'Ailée reprit sa voix, elle s'était adoucie et toute moquerie avait disparu . Il y avait comme une sorte de lassitude dans la lyre divine:

" Ha, vous, mortels, comme je vous envie parfois... mais attends donc la fin du message !"

Je me tus, pensant à tes yeux cerclés d'or , entourés de tes animaux familiers et de tes servantes aux caprices souverains.

A nouveau la voix d'Athéna :

" Prends tous les objets, tous,mais laisse ceux de Circée . D'elle tu ne dois garder que la chaleur des baisers. Navigue vers le soleil couchant , toujours vers le couchant. Quand tu verras les Colonnes qui sont les jambes d'Hercule plantées dans le sol de deux continents tu entendras le grondement de la mer qui se jette dans le monde que je ne connais pas. C'est là que le souvenir de Circée te sera le plus utile...Adieux , Ulysse, mon fils, mon homme, mon divin destin,ô, mon mortel soupir."

Alors le Dieux-message se mit à pleurer. Oui, Circée, Hermes lui même ... Il recueillit une larme sur sa joue et la déposa dans un petit flacon de verre décoré d'une feuille d'or. Il me le tendit en me disant ces mots de sa voix de lyre masculine :

"Elle va bien, elle a redonné forme humaine aux voyageurs qu'elle avait jadis transformés en animaux. Elle essaye maintenant de vivre en harmonie avec eux ...et ses rêves. Pars serein, Ulysse, mais prépare ton voyage. Quant à cette larme, garde là comme le plus cher des présents. et sache une chose, elle est probablement ronde, si bien qu'a l'ultime des voyages ont finit toujours par repasser par les mêmes endroits, mais autrement et dans un autre temps ...Garde ton ancre bien au fond de ton coeur.

-Mon ancre?

- Pénélope..."

  Je fermais les yeux pour acquiescer.

Quand je les ouvris, j'étais dans mon lit et Hermes avait disparu . Ma tendre aimée s'éveilla doucement à son tour. Je l'enlaçai avec force et ,longtemps ,nous fîmes l'amour dans les fragrances de fruits sauvages et de senteurs marines.

Au matin, les premiers rayons du soleil couvraient d'or le mur opposé à la fenêtre de la chambre. Dans l'argile sec des fresques étaient gravés ces quelques mots : "Ton message lui sera envoyé..."

Circée, ma Chère Circée, penses tu encore à moi quelques fois?

Réjouissons nous, car la terre est ronde comme la larme d'un dieux. Tout au revoir est un bonjour et tout bonjour est sans adieux .

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Commentaires
N
Vraiment très joli !
Au delà des colonnes
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